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Voromon de News
31 mai 2016

Petite histoire de la morale

Les anciens, cependant, firent toujours rentrer la morale dans la science ou dans l'art, sans assigner à la moralité une sphère qui lui fût absolument propre. L'éthique était pour eux la science du bien ou l'art du bien; et par ce bien, nous l'avons vu, ils entendaient quelque chose d'impersonnel ou de neutre, qui était la vérité, l'utilité, la beauté, sans être encore proprement la bonté. Or, la vérité n'est que la nécessité logique; l'utilité n'est que la nécessité en quelque sorte sensible, vitale et, si l'on veut, «finale». Quant à la beauté et à la grâce, elles ne font encore qu'éveiller l'idée d'un principe supérieur à la nécessité et dominant l'organisme visible. La vraie liberté idéale, qui serait l'absolu même, et la vraie moralité idéale, qui ne serait plus un bien abstrait, mais une bonté vivante, furent cependant entrevues par Platon et par les Alexandrins, comme par l'Inde, par la Perse, par la Judée. Avec le christianisme, elle s'éleva au rang d'une idée directrice et rénovatrice. Ce principe, obscurci et mutilé par la théologie romaine, rétabli dans l'ordre social par la France, proposé par elle comme idéal au monde sous les noms de liberté, d'égalité et de fraternité, semble enfin arriver de nos jours à la conscience de lui-même dans l'ordre philosophique. Kant et ses successeurs ont tous conçu la philosophie comme l'explication des choses à un triple point de vue, celui de la connaissance, celui de la sensibilité et celui de la volonté. Le mécanisme universel, tel que Descartes l'avait représenté, tel que Leibnitz l'avait accepté comme loi de la connaissance scientifique, fut l'objet propre de la Critique de la raison pure: l'organisation vivante et les lois internes du désir furent celui de la Critique du jugement téléologique et esthétique; enfin, Kant ajouta à ces deux premiers objets l'idéal nouveau d'une moralité qui serait vraiment à elle-même sa raison, sans recevoir sa loi ni des nécessités logiques et mécaniques, ni des nécessités sensibles et esthétiques. Par là, au lieu de subordonner la volonté à l'utile, à l'agréable, ou même à un bien abstrait, Kant voulut faire procéder le bien réel de la volonté même, qui, étant autonome, serait enfin libre. Mais Kant fit encore de la liberté un principe trop abstrait, la raison universelle; il fit de la loi une catégorie trop abstraite, trop logique, trop formelle, celle de l'universalité; il rejeta au second rang l'amour ou la charité, dont il semblait encore confondre l'idée typique avec le désir et le sentiment fatal. Malgré son formalisme excessif, il n'en a pas moins fait voir que l'idéale liberté doit être introduite au sommet de la philosophie comme une notion à part, dont la logique et l'art, la pensée et le sentiment ne sauraient remplir entièrement le contenu, et qui symbolise pour nous le suprême principe de l'action. Après Kant, la philosophie allemande maintint à la fois ces trois catégories de la nécessité, de la finalité immanente et de la liberté idéale. Déjà Leibnitz, avec Platon et Aristote, avait remarqué que les causes efficientes et les causes finales, les mouvements et les appétitions sont la même série prise en deux sens inverses; l'école de Kant n'eut qu'à développer cette conception pour réduire en un seul système l'universelle logique et l'art universel de la nature, où elle vit la double expression d'un principe un et inconditionnel. Hegel lui-même maintint la liberté idéale au troisième moment de l'évolution métaphysique, mais seulement comme l'unité finale du grand Tout. Schelling, dans sa dernière philosophie, et après lui Schopenhauer, placèrent au-dessus du logique et au-dessus du sensible la volonté comme principe des choses. En cette volonté Schopenhauer reconnut la liberté nouménale, où son pessimisme voudrait nous faire rentrer par l'anéantissement de toute existence matérielle et intellectuelle. Enfin les disciples de Schopenhauer ont donné à la volonté supra-consciente le nom de l'Inconscient, et ils en ont fait dériver le mécanisme et la finalité universelle, avec la perspective d'une délivrance finale par le nirvâna.

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