Sortie en mer et cité corsaire

Une sortie en mer exceptionnelle (tant par sa rareté que par sa qualité, puisqu'il s'agissait d'une navigation à bord d'un monocoque de course), m'a amené à arpenter une nouvelle fois celle que Chateaubriand nommait la « citadelle de granit ». Car Saint-Malo n'est pas seulement un haut lieu de la voile, ni un haut lieu touristique ; c'est surtout, pour ceux qui n'en connaissent pas l'histoire, une cité corsaire mythique. Saint-Malo est une presqu'île fortifiée. Toutes fenêtres dehors mais bardée de murailles, la citadelle ressemble à un vaisseau de granit face à l'océan. Toute personne qui s'y rend suit, je crois, le même chemin, en commençant par effectuer le tour des remparts. Et ce, qu'on soit touriste ou habitué. Il faut dire que le panorama sur la Côte d'Emeraude y est tout simplement grandiose. Une fois n'est pas coutume, le ciel était gris. Mais le gris d'ici n'a pas la même signification que le gris d'ailleurs. Ici, le gris est présent jusque dans le reflet des vagues, mais offre des milliers de nuances fabuleuses. Il est impossible ici de dire qu'il ne fait « pas beau » ; car même le mauvais temps y est magnifique à contempler ! La marée étant basse quand j'y suis passé, je me suis rendu, à partir de la plage, à deux gros rochers fortifiés. L'un, le Grand-Bé, y abrite la tombe de Chateaubriand. Un lieu émouvant. Ce roc seul face au vent m'a marqué dès l'enfance. C'est là que repose le poète, enfant de Saint-Malo, « au bord de la mer que j'ai tant aimée ». Une fois revenu à l'intérieur de la ville close (restaurée à l'identique après les terribles bombardements de 1944), j'ai senti les premières gouttes de pluie et me suis rendu au donjon, qui renferme un musée retraçant l'épopée des grands navigateurs. Puis, place Chateaubriand, je me suis arrêté pour boire un verre au mythique bar-hôtel de l'Univers, rendez-vous des navigateurs et des coureurs d'aventure. Un bar chargé de sel et d'histoire avec ses poutres en bois et sa décoration faite, dit-on, à partir de coffres de corsaires. C'est du moins ce que l'on m'a dit quand j'étais encore enfant, et je ne sais toujours pas, à ce jour, si cette affirmation est vraie ! Je m'en suis rendu compte lors de ma dernière visite : cette ville ensorcelante est presque un péage par lequel je me sens obligé de passer à chaque fois que j'effectue une sortie en mer, que ce soit en voilier ou bateau moteur. Si la cité corsaire se change en piège à touriste en pleine saison, c'est l'une des plus beaux endroits qui soient le reste du temps. A découvrir sur le site Voyage Insolite.